Modiano à Stockholm : « Le romancier est une sorte de voyant »
Le Monde.fr | 07.12.2014 à 17h38 • Mis à jour le 08.12.2014 à 09h18 |

Modiano prononçant un discours ! Depuis l’annonce de l’attribution du prix Nobel de littérature à l’écrivain français, le 9 octobre, ses fidèles se demandaient comment il viendrait à bout de cette épreuve imposée, lui qui a tant de mal à finir ses phrases, et qui évite le plus possible de prendre la parole en public.

A Stockholm, ce dimanche 7 décembre, le lauréat a brillamment relevé le défi. Les yeux rivés sur son pupitre, il a prononcé dans les locaux de l’Académie suédoise, au cœur de la vieille ville, un discours d’une quarantaine de minutes. Un grand moment de littérature, dans lequel l’écrivain s’exprime sur ce qui est essentiel à ses yeux : l’écriture, la mémoire et l’oubli. Ce texte, l’un de ses plus beaux et de ses plus forts, sera prochainement publié en un petit volume par son éditeur, Gallimard.

D’emblée, Patrick Modiano évoque son appréhension à discourir, ses difficultés d’élocution, sa « parole hésitante, à cause de son habitude de raturer ses écrits ». Il souligne aussi combien un romancier est « aveugle vis-à-vis de ses propres livres » : « Les lecteurs en savent plus long que lui sur ce qu’il écrit. »

« Vous ne pouvez pas faire marche arrière »

Ces réserves posées, l’auteur de La Place de l’étoile revient sur ce qui le pousse à écrire, livre après livre, depuis 1968. « C’est un peu comme d’être au volant d’une voiture, la nuit, en hiver et rouler sur le verglas, sans aucune visibilité, dit-il. Vous n’avez pas le choix, vous ne pouvez pas faire marche arrière, vous devez continuer d’avancer en vous disant que la route finira bien par être plus stable et que le brouillard se dissipera. »

Plus loin, en référence à Rimbaud mais aussi à son « cousin lointain » le peintre Modigliani, il présente l’artiste comme « une sorte de voyant et même de visionnaire ». Son rôle, celui du romancier en particulier, consiste à dévoiler le « mystère » et la « phosphorescence » qui se cachent au fond de chaque personne.

Modiano évoque aussi deux des thèmes majeurs qui nourrissent toute son œuvre : Paris et l’Occupation allemande. « Je ne voudrais pas vous ennuyer avec mon cas personnel, s’excuse-t-il, mais je crois que certains épisodes de mon enfance ont servi de matrice à mes livres, plus tard. »

Des épisodes souvent liés justement à Paris et à l’Occupation, cette « nuit originelle » qui a permis à ses parents de se rencontrer, et dont, lui qui est né en 1945, se sent directement issu. « Les personnes qui ont vécu dans ce Paris-là ont voulu très vite l’oublier, note-t-il. Mais devant les silences de nos parents, nous avons tout deviné, comme si nous l’avions vécu. »

« Faire resurgir quelques mots à moitié effacés »

Lutter sans cesse contre l’amnésie et l’oubli, tel est pour l’auteur de Dora Bruder et d’Un Pedigree le sens même de son travail.

Les jurés du prix Nobel l’avaient présenté en octobre comme « le Proust de notre temps ». L’intéressé corrige un peu la formule. « J’ai l’impression qu’aujourd’hui la mémoire est beaucoup moins sûre d’elle-même » qu’à l’époque de Marcel Proust, et que la recherche du temps perdu se heurte à une « masse d’oubli qui recouvre tout. »

Faute de pouvoir recréer le passé dans ses moindres détails, Modiano entend plus modestement « faire resurgir quelques mots à moitié effacés, comme ces icebergs perdus qui dérivent à la surface de l’océan. » Une superbe formule qui pourrait résumer l’ensemble de son œuvre.

Après ces derniers mots, l’écrivain est resté plusieurs secondes encore les yeux sur son texte, dans un étonnant silence. Puis il a fini par relever le visage, et regarder pour la première fois la salle, tout en faisant un geste des bras, comme pour dire : « voilà, c’est tout ce que j’avais dans mon sac » et se soumettre enfin au verdict du public. A ce signal, les applaudissements ont fusé. Une gerbe de fleurs a été apportée à Dominique Zehrfuss, l’épouse de Patrick Modiano, qui était assise au premier rang. Le lauréat, lui, s’est vite éclipsé en coulisses.

 
 Par Denis Cosnard (Stockholm, Suède, envoyé spécial)

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