「這個世界,老早就在沒有人的時候就已經開始了,而且也將在不會有人的情況下自行結束。所有的機構,所有的道德觀,所有的習俗,所有這些我都可能會花上我這一生的時間來編造清冊、來搞懂它們,全都是一個創造物(une création)的一段很短暫的繁榮而已;跟這創造物比起來,除了讓『人』(l'humanité)自行扮演其角色外,以上那些(機構、道德觀、習俗)其自身完全沒有任何意義。」他老早就已經在《憂鬱的熱帶》寫下以上這句話。在鋼筆字上頭,是道德學家的口吻,也高度地感傷。
以他為目標的各種指控,並沒有把克勞德˙李維─史陀的智者形象震動到衰弱不堪。他依舊是熱烈地、堅持不懈地捍衛著這些所謂的「初始」(premiers)的民族,看著他們緩慢地垂危他為之流淚,自知歸屬於破壞者的陣營,無法為之撫慰。看西方世界人士,看他們面對其他種人的言行舉止、面對大自然的表現,這位老人憤怒地反西方世界的人,三年前他這麼說:「還能夠提供(給人)的唯一機會就是,雖然『人』已經成為『人』自己的受害者,但請認識說現在這種處境已經把『人』跟其它種已經被採用的很不同的生活方式放在平等的地位了,公平了,但竟繼續這種生活方式還在搞破壞。如果人首先要以(繼續)『活著(的人)』的資格掌握(活著的)權利(:複數)(si l'homme possède d'abord des droits au titre d'être vivant...),那麼,這些權利,把『人』作為物種之一的被認可的權利,就會在其它的物種的權利(:複數)裡面撞見不少大自然的侷限。當『人』的活動把其它物種的存在置於危難,『人』的權利就不得再是權利。(Les droits de l'humanité cessent au moment où leur exercice met en péril l'existence d'autres espèces.)」花了一生的時間試著要瞭解人是怎麼生活的、怎麼思考的,他留下一封爭議性很大的遺囑:我很確定,人是「收受的一方(譯註二),人不是創造物的主人。」(la certitude que l'homme est « une partie prenante et non un maître de la création ».) (譯者註:重點為本人所加)
(譯註二:這是司法用詞,如『受款人』、接收某事物的一方)
作者:娜塔莉˙柯紅(Nathalie Crom)
原載於:《電視全覽》(Télérama) n° 3044,2008 年 5 月 14 日,pp.32-34.
文章中若出現(33 | 34)以上數字符號的話,表示在此之前是在《電視全覽》的第 33 頁,在此之後是在第 34 頁。
翻譯:周星星
終究還是把它翻譯完了。「翻譯,看起來不難嘛。」是呀,翻完後的輕鬆,是可以接受這句話的。但如果是在過程中,就會很難忍受這句話了。我幾乎是坐在椅子上半天,才勉強衝完翻譯這工作。尤其是有好幾句,我反覆看了原文不止十次,都還不敢百分之百有把握是否完全翻到正確。但,管它的了,終於是在 John Petrucci 的電吉他 solo 聲中,真的就像前幾天我所講的,很感驕傲地把最後一個句號翻完;甚至補上可供參考的頁碼。
有何感想?有滴:這篇簡介克勞德․李維史陀的文章真的是寫得太好了。或者說:是援引李維史陀的句子選得太好了。
Claude Lévi-Strauss : le goût de l'Autre
Ses séjours chez les Indiens, dans les années 1930, auront nourri toute l'œuvre de Claude Lévi-Strauss. L'anthropologue entre aujourd'hui dans la Pléiade.
Il existe peu d'ouvrages de sciences humaines dont les premiers mots se sont imprimés dans la mémoire collective, à l'égal du « Longtemps, je me suis couché de bonne heure » de Proust. Mais on en compte au moins un : Tristes Tropiques, et son fameux incipit, « Je hais les voyages et les explorateurs. » Claude Lévi-Strauss a 47 ans quand paraît, en 1955, dans la collection Terre humaine que l'ethnographe et écrivain Jean Malaurie vient de créer chez Plon, ce livre qui, au sein de son ample bibliographie, demeure le plus célèbre et le plus accessible. Le plus personnel aussi, le plus subjectif qu'ait donné le grand anthropologue. Un ouvrage tout ensemble scientifique et profondément méditatif, écrit quelque vingt ans après les expéditions qui l'ont nourri : le Brésil, São Paulo, l'Amazonie, les Indiens Caduveo et Bororo auprès de qui Lévi-Strauss, alors jeune ethnographe, a vécu à plusieurs reprises au cours des années 1935-1938. Enthousiastes, les jurés du Goncourt songèrent à donner leur prix à Tristes Tropiques. Ils y renoncèrent finalement, mais la postérité et la notoriété du livre n'en ont pas pâti : c'est Tristes Tropiques qui a révélé Claude Lévi-Strauss au grand public, qui a posé les premiers jalons de la reconnaissance unanime de l'anthropologue comme une des figures majeures de la pensée au XXe siècle : un scientifique doublé d'un moraliste, doté d'un talent d'écrivain - on a beaucoup évoqué Chateaubriand et Bossuet à son sujet.
Celui qu'on a longtemps regardé, à son corps défendant souvent, comme le « pape du structuralisme », celui dont les travaux et les méthodes ont influencé, en France et ailleurs, toute une génération d'intellectuels ressortissant à des disciplines aussi diverses que la philosophie ou la critique littéraire, la sociologie ou l'histoire - « son œuvre fait penser, et penser indéfiniment », écrivait Roland Barthes -, fêtera cet automne ses 100 ans. Et connaît dès aujourd'hui la consécration éditoriale que constitue la publication dans la Bibliothèque de la Pléiade : un volume d'Œuvres, par lui choisies parmi ses travaux multiples et savants. Lesquels, résuma-t-il un jour, n'ont eu sa vie durant qu'un seul et unique objectif : « comprendre comment fonctionne l'esprit des hommes » (1).
Tout a donc commencé il y a cent ans, le 28 novembre 1908, lorsque naît Claude Lévi-Strauss, à Bruxelles, dans un milieu bourgeois, esthète et plutôt conservateur. Son père est artiste peintre, l'un de ses grands-pères est grand rabbin de Versailles, la famille compte en outre un aïeul musicien, violoniste renommé au temps de Napoléon III. Claude Lévi-Strauss, lui, se tourne vers les lettres, puis le droit et la philosophie - préparant l'agrégation, il côtoie Simone de Beauvoir et Maurice Merleau-Ponty -, entre dans l'enseignement tout en militant à la SFIO. Il a raconté souvent le coup de téléphone reçu, à 9 heures, un dimanche matin de l'automne 1934, lui proposant de postuler pour une chaire de sociologie à l'université de São Paulo. Il se trouve que la philosophie à laquelle il s'est voué intellectuellement ne le satisfait pas complètement - elle lui semble se réduire à « une sorte de contemplation esthétique de la conscience par elle-même », écrit-il dans Tristes Tropiques - et qu'il a commencé à s'intéresser à l'ethnologie, sur les conseils de Paul Nizan. Il part donc pour le Brésil, en février 1935. De son départ de France, il a donné plus tard cette explication bien trop prosaïque pour être honnête : « Je me suis laissé tenter car j'avais envie de voir le monde et j'aimais faire du camping, de la marche à pied, de l'alpinisme »... C'est, dans la vie de Lévi-Strauss, le moment de l'expérience du terrain. De l'immersion dans la différence, de la confrontation directe et saisissante à l'Autre - ses conditions de vie, sa façon de voir le monde, de le penser. Ce temps est, pour le chercheur, plutôt bref : une première expédition auprès des Indiens a lieu au cours de l'hiver 1935, une seconde en 1938, durant neuf mois. Mais les observations réalisées alors nourriront toute l'oeuvre intellectuelle à venir - jalonnée par les ouvrages Les Structures élémentaires de la parenté d'abord (1949), puis bien sûr Tristes Tropiques (1955), aussi plus tard Anthropologie structurale (1958 et 1973), La Pensée sauvage (1962), les quatre volumes des Mythologiques (1964-1971), La Voie des masques (1975), Histoire de Lynx (1991)...
En 1939, Claude Lévi-Strauss rentre en France, avant de s'exiler l'année suivante à New York, face à la menace nazie. Il y demeure jusqu'en 1944, y fréquente les nombreux artistes et intellectuels européens exilés comme lui, y croise notamment les surréalistes André Breton et Max Ernst. Surtout, il y fait la connaissance du linguiste d'origine russe Roman Jakobson, dont les travaux vont avoir sur lui une influence décisive. Jakobson l'initie en effet à la linguistique structurale, et c'est de cette approche que va s'inspirer Lévi-Strauss pour fonder l'anthropologie structurale. Lors d'un entretien pour la télévision réalisé dans les années 1970, Lévi-Strauss évoquait en ces termes ce que fut, pour lui, l'intuition de la méthode structurale : « Un jour, allongé dans l'herbe, je regardais une boule de pissenlit. J'ai alors pensé aux lois d'organisation qui devaient nécessairement présider à un agencement aussi complexe, harmonieux et subtil. Tout cela ne pouvait pas être une suite de hasards accumulés. » Ces « lois d'organisation », ces structures souterraines et fondamentales, il va donc chercher ce qu'elles sont dans les sociétés humaines indiennes au sein desquelles il a vécu. S'attachant dans un premier temps à saisir et comprendre les systèmes de parenté. Elargissant plus tard son objet d'étude, en se penchant sur la littérature orale des sociétés amérindiennes - essentiellement les mythes, leurs permanences et leurs infinies variantes, et ce qu'on peut en apprendre du « passage de la nature à la culture, qui est le problème fondamental de l'ethnologie, et même celui de toute philosophie de l'homme ». « On a cru trop souvent que l'homme se laissait aller dans la mythologie à sa fantaisie créatrice et qu'elle relevait ainsi de l'arbitraire, ajoute-t-il. Or si on réussit à montrer qu'en ce domaine même, qui offre un caractère de limite, il existe quelque chose qui ressemble à des lois, on pourra en conclure qu'il en existe aussi ailleurs et peut-être partout. »
Le structuralisme est ainsi, pour Lévi-Strauss, non pas une philosophie, non pas une conception du monde, mais une méthode, une discipline, presque un outil. Le moyen de mettre de l'ordre et de la rigueur dans les sciences humaines « qui essaient de devenir positives ». Quant au structuralisme en tant qu'école, mouvement intellectuel étendant ses ramifications dans toutes les disciplines intellectuelles, il s'en méfie, y voit souvent « un dévergondage sentimental nourri de connaissances sommaires et mal digérées » : le mot « structuralisme » a été « mis à tant de sauces que je n'ose plus l'employer », confiait-il au début des années 1980, s'agaçant du « tic journalistique qui consiste à associer le nom de Lacan » et le sien. Les seuls dont Lévi-Strauss se sent proche, ce sont les linguistes. Avec les historiens, les relations sont plus contrariées. A la discipline historique, il reproche son « anthropocentrisme » : « A propos de l'histoire, il faut toujours se demander s'il en existe une seule capable de totaliser l'intégralité du devenir humain, ou une multitude d'évolutions locales qui ne sont pas justiciables d'un même destin. [...] Vouloir exiger que ce qui peut être vrai pour nous le soit pour tous et de toute éternité me semble injustifiable et relever d'une certaine forme d'obscurantisme. » De l'histoire, il ne nie pas pourtant l'intérêt, la validité, l'utilité, expliquant qu'« une recherche qui se veut positive ne lance pas d'exclusive ; elle fait plutôt flèche de tout bois. [...] En matière d'analyse mythique, chaque fois que je peux éclairer mon objet par des renseignements historiques, psychologiques, biographiques même sur la personne du conteur, je n'en suis pas gêné mais puissamment aidé ».
Incarnation d'une modernité extrême de la pensée au XXe siècle, nourri de Proust, de Montaigne, de Rousseau, Claude Lévi-Strauss se définit paradoxalement comme « un homme du XVIIIe siècle, ou peut-être du XIXe ». Un classique et un moderne tout ensemble, à qui ses prises de position ont parfois valu d'être accusé de « réactionnaire » hostile au progrès, de « relativiste », d'« anti-humaniste ». « Le monde a commencé sans l'homme et il s'achèvera sans lui. Les institutions, les mœurs et les coutumes, que j'aurai passé ma vie à inventorier et à comprendre, sont une efflorescence passagère d'une création par rapport à laquelle elles ne possèdent aucun sens, sinon peut-être de permettre à l'humanité d'y jouer son rôle », écrivait-il déjà dans Tristes Tropiques, avec sous la plume des accents de moraliste, intensément mélancolique.
Les accusations dont il a fait l'objet n'ont pas ébranlé pourtant la figure de sage qu'incarne Claude Lévi-Strauss, défenseur ardent et inlassable des peuples dits « premiers », pleurant face à leur lente agonie, inconsolable d'appartenir au camp des destructeurs. Vieil homme en colère contre l'homme occidental et sa conduite à l'égard des autres hommes, à l'égard aussi de la nature : « La seule chance offerte [à l'humanité] serait de reconnaître que, devenue sa propre victime, cette condition la met sur un pied d'égalité avec toutes les autres formes de vie qu'elle s'est employée et continue de s'employer à détruire. Mais si l'homme possède d'abord des droits au titre d'être vivant, il en résulte que ces droits, reconnus à l'humanité en tant qu'espèce, rencontrent leurs limites naturelles dans les droits des autres espèces. Les droits de l'humanité cessent au moment où leur exercice met en péril l'existence d'autres espèces », déclarait-il il y a trois ans. Léguant, au terme d'une vie passée à tenter de comprendre comment vivent et pensent les hommes, un testament controversé : la certitude que l'homme est « une partie prenante et non un maître de la création ».
Nathalie Crom
Télérama n° 3044
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