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Le séisme repose la question du statut des réfugiés de l'environnement

LE MONDE | 21.01.10 | 12h33  •  Mis à jour le 21.01.10 | 12h40

Comment protéger les Haïtiens qui fuient les zones dévastées par le séisme du 12 janvier ? Le désastre humanitaire se propage au rythme des migrations, réveillant le débat sur les failles du dispositif de protection des réfugiés et l'absence de statut des victimes de catastrophes naturelles.

"Beaucoup de gens ont quitté Port-au-Prince pour d'autres villes, même si nous n'avons pas de chiffres exacts, assure Jemini Pandya, l'une des porte-parole de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). Les premiers ont rejoint des proches qui pouvaient les héberger. Mais une deuxième vague est en train de fuir, sans personne pour les accueillir."

Un afflux important de réfugiés a été signalé à Miragoâne et 5 000 personnes sont arrivées dans le département de Grand-Anse, à l'ouest de Port-au-Prince, par la route et par bateaux. L'OIM distribue tentes, bâches et jerrycans aux sans-abri, que les municipalités, démunies, n'ont pas les moyens de fournir.

Pour ces "déplacés internes", la protection et les secours sont définis par des "Principes directeurs" (accès aux besoins de base, protection, éducation) qu'observent l'ONU, les ONG et les Etats qui le veulent bien. Pour ceux qui chercheraient asile à l'étranger, rien n'est prévu, pas même un dispositif de protection temporaire. "C'est la responsabilité de chaque gouvernement d'ouvrir ou non ses frontières", résume Mme Pandya.

Face à la multiplication des désastres liés au changement climatique, l'OIM a suggéré de créer un statut international pour les victimes de catastrophes naturelles, séismes compris. Sans succès.

"MATÉRIEL ET EXPERTISE"

Le statut de réfugié est réservé aux victimes de conflits et de persécutions, même si le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) reconnaît la nécessité de faire évoluer le dispositif et est venu prêter main-forte à Haïti. "Nous apportons du matériel et notre expertise dans la gestion de camps et la protection des déplacés", précise sa porte-parole, Melissa Fleming.

Lors des violences de 2004 provoquées par le départ en exil du président Jean-Bertrand Aristide, le HCR avait appelé la communauté internationale à accorder l'asile aux Haïtiens en fuite. Il n'en est rien aujourd'hui. "La situation n'exige pas que le HCR adopte une position officielle, d'autant plus que Saint-Domingue a ouvert sa frontière pour des raisons humanitaires", estime Mme Fleming.

Les choses pourraient changer en cas d'insuffisance de l'aide internationale débouchant sur un exode massif. Les Etats-Unis ont décidé d'accorder un statut de protection temporaire aux Haïtiens présents sur leur sol avant le 12 janvier, mais ont prévenu qu'ils n'accueilleraient aucun boat people.

En Europe, l'attribution d'un statut de protection temporaire permettant d'accueillir des réfugiés est du ressort du Conseil de l'Union européenne. Son application aux victimes du séisme n'est pas à l'ordre du jour.

"Chaque pays devrait au minimum donner aux immigrés haïtiens un permis de travail pour qu'ils puissent envoyer de l'argent au pays", analyse Jemini Pandya. Selon la Banque mondiale, la diaspora transfère chaque année 1,2 milliard d'euros vers Haïti.

Grégoire Allix

Article paru dans l'édition du 22.01.10

 

Point de vue

La supplique d'Haïti, par Michel Thiollière

LEMONDE.FR | 21.01.10 | 20h48

Nous sommes tous sous le coup de l'émotion ! Un pays – Haïti – anéanti, une ville – Port-au-Prince – rasée de la carte. Les images qui déferlent sur nos écrans autant que les commentaires qui apportent informations et réactions ne nous laissent pas insensibles. La preuve ? Nous donnons notre argent et les gouvernements autant que les ONG organisent l'aide. Chaque tragédie urbaine entraîne cette même solidarité internationale, chacune de ces détresses humaines cristallise nos fragments diffus d'humanité.

Mais après ? Après que les services d'urgence auront apporté sur place le strict minimum nécessaire à la survie ? Après que les médecins et leurs équipes auront soigné les blessés ? Après que la plainte funèbre se sera tue... et que les caméras se seront éteintes...

Le secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki-moon, de retour d'Haïti, raconte qu'il a rencontré une femme entourée de ses enfants ; celle-ci lui a demandé d'aider Haïti à se reconstruire. Il nous faut entendre la parole de cette femme qui, quelques jours seulement après le séisme, voit loin. Pour sa famille bien sûr, mais aussi pour sa ville et son pays. Et qui appelle, de manière immémoriale et universelle, l'avenir d'une autre civilisation urbaine. M. Ban Ki-moon conclut qu' "il faut aider Haïti à se reconstruire en mieux". Là est notre devoir de femmes et d'hommes solidaires. Là est aussi le défi majeur de notre génération.

Notre mission est aujourd'hui d'honorer la supplique de cette Haïtienne anonyme.
Pour cela, nos sociétés sophistiquées pensent savoir faire. Et elles se heurtent pourtant désespérément à trois écueils : le télescopage du temps qui fait que nous aurons vite oublié Haïti et les moyens mis en œuvre, la tendance à déléguer, qui veut que nous chargions de cette mission d'autres "dont c'est le métier", la confusion qui amoncelle moyens et compétences sans d'abord avoir posé les fondations d'un authentique projet urbain.

Nous sommes pourtant, et fort malheureusement, instruits de l'expérience. Combien de villes du monde ont été détruites avant Port-au-Prince ? Combien ont été "mieux" reconstruites, pour reprendre le mot de Ban Ki-moon ? Les populations urbaines de ce début de millénaire ont droit à un toit et à des services, c'est le minimum. Mais elles ont surtout droit à des villes respectueuses. Cette société urbaine du respect est à construire. Respect du droit des hommes à vivre décemment, respect des particularismes et des traditions locales, respect des engagements écologiques planétaires.

Cette société urbaine du respect, nous la devons aux Haïtiens aujourd'hui.

Pour y parvenir, ayons l'audace de penser que les solutions locales seront plus efficientes que des modèles standardisés. Pour autant, cela nécessite méthode et concertation.

Après le tsunami qui a frappé l'Asie en 2004, j'ai fait adopter une loi sur la coopération décentralisée. Elle donne un cadre juridique clair à nos collectivités afin que leurs coopérations avec d'autres collectivités au niveau mondial soient plus efficaces. Nombre de villes, agglomérations, départements, régions ont saisi cette opportunité et ont apporté l'aide dont les régions touchées avaient vraiment besoin. Pour aider à la reconstruction d'Haïti, sans doute peut-on parier sur la générosité de ces collectivités qui pourront, en lien avec l'Etat et les ONG, contribuer de la meilleure manière qui soit à cette reconstruction.

Après Katrina qui a submergé La Nouvelle-Orléans en août 2004, j'ai animé sur place un symposium franco-américain qui a réuni universitaires, chercheurs, entreprises, élus. Nous avons fait le constat que la reconstruction d'une ville ne peut pas se faire sans les acteurs locaux. Ils ne pourront pas se voir imposer des solutions standardisées. Pour autant, ceux-ci n'ont pas toujours le recul nécessaire quand ils sont au cœur de la tragédie et il faut donc les accompagner pour bâtir leur propre projet urbain.

Nous avons imaginé à cette occasion que, sous l'égide de l'ONU, d'un groupe de pays – et pourquoi pas aujourd'hui du G20 ? – devrait s'installer un groupe de travail permanent. Ce forum pourrait intervenir gratuitement à la demande des autorités locales ; il apporterait une expertise, formulerait des propositions et susciterait les interventions les plus pertinentes. Il aiderait à la définition d'une stratégie urbaine. Il aurait bien sûr pour mission première de veiller à la mise en œuvre des nécessités urbaines à court terme. Mais il devrait surtout tenir le cap d'une urbanité nouvelle, puisant dans les concepts de la ville durable. Flexible, mobile, ouvert aux cultures du monde, ce forum devrait recenser les expériences, être pluridisciplinaire, et au final définir les contours possibles de la ville du futur.

Indépendamment des aides gouvernementales et internationales, le cadre juridique de la coopération décentralisée et la mise en place d'un tel forum international seraient deux outils et même deux moteurs de la reconstruction. Qui allient responsabilité locale, flexibilité d'intervention et réponse aux défis urbains du futur. Deux moteurs qu'il n'est pas difficile d'actionner. Pour répondre concrètement à la supplique d'Haïti.

Michel Thiollière est sénateur de la Loire (UMP-Rad)
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