Peping est étudiant en criminologie. Aux Philippines, ça ne suffit pas pour nourrir son homme. Alors, il traficote ses fins de mois. Pour quelques pesos de plus. Mais, là, son pote l'a appelé pour un travail de nuit, super bien payé. Comment résister ? Et le voilà, maintenant, dans cette camionnette qui roule, derrière cette femme qui ne geint même plus - peut-être est-elle morte ? -, en compagnie de quelques mecs qui parlent foot, stages et alcool. Comme d'habitude, des embouteillages encombrent la ville, un camé en manque se rapproche des vitres : « Tire-toi, on est des flics », dit l'un des types. Et peut-être même que c'est vrai...

Les rues défilent : carrefours trop ou mal éclairés que Peping contemple sans les voir. La caméra ne le quitte pas. Les plans de Mendoza, lents, lancinants, semblent se ­répéter, s'étirer à l'infini : bourdonnement diffus, impression d'angoisse légèrement nauséeuse devant ce long voyage dans la nuit dont on se demande quand et s'il finira... Enfin, la camionnette pénètre dans la cour d'une villa isolée. Dans la cave, on réveille la fille à coups de seaux d'eau. L'un des garçons la viole - mais ça, elle s'en fout, elle n'en est plus là, elle veut bien souffrir, mais pas mourir. Pas comme ça... Mais voilà qu'après un coup de fil, le chef du groupe demande une machette...

A Cannes, Kinatay a obtenu le Prix de la mise en scène. Choix judicieux (bravo au jury d'Isabelle Huppert), récompense courageuse pour ce film à l'étonnante rigueur et à l'extrême audace. Car ce massacre - c'est ce que signifie kinatay en philippin -, Mendoza aurait pu le filmer avec mesure. Flatter notre goût pour le bon goût. Miser sur la sacro-sainte épure. Reléguer en coulisses - hors champ - l'horreur et l'ignominie.

Lui a choisi de montrer. Mais juste ce que surprend l'oeil de Peping. Il insiste moins sur l'horreur que sur les conséquences de l'horreur sur un innocent qui, précisément, n'en croit pas ses yeux. A un moment, il cherche à s'enfuir. Le cinéaste le suit alors de longues minutes. Plan-séquence magnifique, non par son esthétisme, mais par son intensité : Peping, qui s'en est allé acheter des oeufs de cane, se glisse dans des toilettes pour téléphoner, pénètre dans un bus qui semble posé là, à jamais immobile, avant de rebrousser chemin, rappelé à l'ordre par un bref appel... Son évasion illusoire se referme sur lui comme un piège de plus. Le voilà forcé de revenir à la villa et de devenir le témoin - dégoûté, certes, mais complice - d'un cauchemar à l'état pur. Comment en est-il arrivé là ? Comment survivra-t-il après ?

La veille, mais ça lui semble si loin, Peping était allé à la mairie épouser la mère de son petit Popoy. En traversant la ville (de John John à Serbis, il y a, dans tous les films de Mendoza, cinéaste décidément époustouflant, des moments documentaires sur des cités grouillantes, assourdissantes et mortifères), il avait été bloqué par un attroupement. Un homme menaçait de sauter du haut d'un immeuble et tout le monde jouait son rôle : les flics, la mère éplorée au mégaphone, les cameramen qui traquaient les visages des badauds et les reporters télé qui commentaient, seconde après seconde, le moindre geste du désespéré.

Ça, semble nous dire le réalisateur, c'est la violence ordinaire. Officielle. Diurne. Spectaculaire : on s'en repaît en direct ou chez soi, à la télé ou sur le Web, plutôt réconforté de voir plus désespéré que soi. Et puis il y a l'autre violence, la noire, la hideuse, celle qu'on cache aux autres et à soi-même, celle qui fait douter de l'humain. C'est elle qu'éclaire Brillante Mendoza : l­'indifférence des bourreaux, l'impuissance des victimes, l'aveuglement des témoins. Tout ce que, il y a pas mal d'années, un cinéaste japonais prophétique avait défini comme « l'évaporation de l'homme ».

Pierre Murat ──以上這是 POUR (支持)的意見

抱歉,目前只是搶鮮版,所以還沒有耐心(跟時間)把它全翻完。而且,《電視全覽》其實是並列,負評只給一顆星,我也列在下面。總要平衡一下囉!

CONTRE

Il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas reconnaître le talent de Brillante Mendoza. Mais l'ampleur des plans-­séquences, le travail extraordinaire sur la bande-son qui impressionnaient tant dans John John et Serbis virent à la pose auteuriste dans le contexte d'une série B trash comme Kinatay. Les performances techniques du réalisateur philippin tournent ici à vide, à l'instar du voyage en minibus dans les rues de Manille, filmé à la pauvre lumière des lampadaires. Il ne faut pas cinq minutes - et le trajet en dure une bonne vingtaine ! - pour que l'angoisse se transforme en ennui, puis en agacement.

La représentation de la violence dans la scène choc du massacre n'est pas plus convaincante. Brillante Mendoza donne l'impression d'en montrer trop, ou pas ­assez. Trop, si l'on considère que les seuls plans du visage épouvanté de Peping, ­associés aux bruits des coups hors champ, suffiraient à nous terroriser, à nous con­traindre d'imaginer le pire. Pas assez, car Mendoza n'endosse pas jusqu'au bout la position de voyeur du jeune ­Peping, spectateur passif mais complice, incapable de détacher ses yeux de la boucherie en cours. Le cinéaste a-t-il eu pitié de son public ? A-t-il voulu le préserver du spectacle frontal, dans la durée, du découpage d'un corps humain à la machette ? Louable intention. Mais quand il filme complaisamment un viol interminable, il n'a pas les mêmes scrupules.

Samuel Douhaire
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