第七天:2010 1 18

 

Manque d'accès à l'eau et promiscuité augmentent les risques sanitaires

LE MONDE | 18.01.10 | 14h33  •  Mis à jour le 18.01.10 | 15h42

Des rues jonchées de cadavres, un accès limité à l'eau potable, le manque de sanitaires, des centaines de milliers de rescapés épuisés qui se regroupent dans des camps de fortune... Les conditions semblent réunies pour que Port-au-Prince affronte, dans les jours à venir, des problèmes sanitaires graves. "D'autant plus graves, insiste le docteur Olivier Bernard, président de Médecins du monde (MDM), que nous sommes face à une population déjà très fragilisée, le système de santé d'Haïti étant largement défaillant. Quant aux rares infrastructures médicales qui existaient, elles ont été rayées de la carte par le tremblement de terre."

Quels sont les dangers à venir ? "La mort des habitants d'Haïti n'est pas liée à une maladie infectieuse. Il y a donc peu de risques d'épidémies liées à la présence des cadavres", estime le docteur Brigitte Vasset de Médecins sans frontières (MSF). "Lors du tsunami de 2004, des experts avaient prédit le pire en matière d'épidémies, se souvient-elle, mais heureusement ils ont été démentis." Pas question néanmoins de laisser les corps se décomposer à l'air libre. L'une des priorités des secouristes est de les ramasser le plus vite possible.

Deux points inquiètent particulièrement MDM et MSF : la question de l'accès à l'eau et le déplacement des populations regroupées. L'absorption d'eau contaminée, que les habitants n'arrivent plus à stériliser, va engendrer des problèmes de diarrhées graves, suivies de déshydratations qui affaibliront en premier les moins de cinq ans et les plus âgés, ainsi que les femmes enceintes ou celles qui allaitent. Le choléra ? "Il faut être en veille, estime le docteur Vasset, mais nos équipes ne pensent pas que cela soit un danger immédiat."

Rougeole et tétanos

Regroupés, les rescapés peuvent se contaminer facilement. "La couverture vaccinale en matière de rougeole ou de tétanos est très mauvaise en Haïti, explique Mme Vasset. Nous allons donc être très vigilants concernant ces deux maladies." "Il faudra aussi être prudent concernant les infections respiratoires qui se transmettent rapidement", insiste le docteur Bernard. Surtout que la prévalence de la tuberculose est assez élevée en Haïti.

"Il sera aussi indispensable que d'ici à quelques jours, le système de santé fonctionne à nouveau, a minima, pour que les malades chroniques puissent avoir accès à des soins et à des médicaments. Ou que les femmes enceintes puissent accoucher sans danger", insiste le président de MDM.

Les deux ONG sont en tout cas déjà sur place et vont renforcer leurs équipes dans les jours à venir. Tout comme l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui a envoyé à Port-au-Prince douze de ses meilleurs spécialistes en épidémiologie, en coordination de l'aide sanitaire et en gestion des personnes décédées.

Marie-Béatrice Baudet

Article paru dans l'édition du 19.01.10

 

Le président haïtien salue la solidarité de son voisin Saint-Domingue

LE MONDE | 18.01.10 | 14h33  •  Mis à jour le 18.01.10 | 14h33

Port-au-Prince Envoyé spécial

En ce dimanche 17 janvier, le président haïtien René Préval tient conseil dans la salle de réunion de la direction centrale de la police judiciaire, qui jouxte l'aéroport. Il écoute le rapport du maire de Port-au-Prince, entouré de ses proches collaborateurs et d'une trentaine de représentants de la capitale.

Il interrompt la réunion pour recevoir Maria Teresa Fernandez de la Vega, la vice-présidente du gouvernement espagnol venue apporter le soutien de son pays et de l'Union européenne. A faible distance, les avions et les hélicoptères ne cessent d'atterrir et de décoller sur la piste contrôlée par les militaires américains.

"Je vais demain (lundi 18 janvier) à Saint-Domingue pour une importante réunion de coordination de l'aide internationale convoquée par le président dominicain Leonel Fernandez", explique le président haïtien. "Je dois souligner le caractère exceptionnel de l'aide apportée par nos voisins dominicains. Pas seulement de la part du président Fernandez qui a été l'un des premiers à venir nous soutenir, mais de toute la société dominicaine. Il y a eu des problèmes dans le passé entre nos pays, mais cette crise est l'occasion de construire la solidarité entre nos peuples", ajoute-t-il.

"Nous vivons une grande tragédie. Ce qui s'est passé en une minute est comparable aux effets d'un bombardement intensif durant plusieurs semaines. Pour assurer la sécurité, il faut coordonner l'aide pour qu'elle arrive le plus vite possible à la population", poursuit-il.

"Ce drame est aussi le leur"

3 500 militaires américains vont renforcer la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) et la police haïtienne qui ne compte que 2 000 fonctionnaires dans la capitale. "3 000 détenus se sont échappés de la prison détruite et sont dans la nature", ajoute le président Préval qui s'interrompt à nouveau, pour accueillir cette fois le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. "L'aide arrive de toutes les villes de République dominicaine. Les associations de quartiers se cotisent pour envoyer ce qu'elles peuvent. Elles sentent que ce drame est aussi le leur. Nos secouristes et un grand nombre de nos pompiers sont ici", confirme Pastor Vasquez, qui coordonne les secours à l'ambassade dominicaine.

"Il faudra décentraliser Port-au-Prince. Nous pensons construire 200 000 maisons pour reloger au moins un million de sans-abri en dehors des limites actuelles de la capitale. A environ 15 000 dollars (10 400 euros) par maison, il faudra au moins 3 milliards pour le seul logement", calcule Eduardo Almeida, le représentant de la Banque interaméricaine de développement (BID).

La BID a déjà débloqué 130 millions de dollars pour la reconstruction. L'UE, qui envisage de verser 100 millions d'euros pour Haïti, doit prendre en charge la construction d'un centre administratif, pour remplacer le palais national et les ministères détruits lors du tremblement de terre du mardi 12 janvier.

Jean-Michel Caroit

Article paru dans l'édition du 19.01.10

 

Léogane semble avoir été soumise à un impitoyable bombardement

LE MONDE | 18.01.10 | 11h06  •  Mis à jour le 18.01.10 | 11h08

Léogane (Haïti), envoyé spécial

Toutes les églises de Léogane, catholiques et protestantes, ont été détruites par le tremblement de terre. Seul a résisté le gros bâtiment cubique abritant l'Union des vaudouisants, à l'entrée de cette ville d'environ 40 000 habitants, à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Port-au-Prince. Proche de l'épicentre, Léogane semble avoir été soumise à un impitoyable bombardement.

La Grand-Rue et la rue Lacroix, au centre-ville, sont un amas de décombres. Le lycée Anacaona s'est effondré comme un château de cartes, ensevelissant de nombreux élèves. La population a dégagé des bouts de chaussée pour installer des abris de fortune. Au bord de la route qui mène à Léogane, fissurée et obstruée par de nombreux éboulements, des campements ont été improvisés au milieu des champs de canne à sucre.

"Quatre-vingt-dix pour cent des maisons sont détruites ou endommagées d'une façon ou d'une autre, et nous comptons déjà plus de 3 000 morts, dont beaucoup ont été enterrés dans une fosse commune le long du cimetière", comptabilise le maire, Alexi Santos. Avec un contingent de la Mission des Nations unies en Haïti (Minustah), il supervise une distribution de biscuits à des centaines de sans-abris accourus devant la mairie.

"C'ÉTAIT COMME UNE ESPÈCE DE LAVE"

"Nous avons un besoin urgent de tentes, d'eau, de nourriture, de médicaments et de médecins", ajoute le maire. Quatre jours après le séisme, samedi 16 janvier, c'est la première aide que reçoit Léogane. "Tout se déroule tranquillement", dit le colonel Wassantha, le chef de détachement sri-lankais, qui observe la distribution depuis son pick-up climatisé. A plusieurs intersections, des habitants ont écrit de grands "SOS" sur le sol à l'aide de graviers blancs.

La faculté des sciences infirmières est l'un des rares édifices qui a bien résisté à la violente secousse. "Les hôpitaux et les cliniques de la ville ont été détruits et dans l'heure qui a suivi le tremblement de terre, les blessés ont commencé à affluer. Nous en recevons près de 500 par jour, beaucoup de fractures des membres, de traumatismes crâniens", explique Hilda Alcindor, la doyenne de la faculté. Infirmière pendant trente ans aux Etats-Unis, elle est revenue au pays en 2005 pour transmettre son savoir aux jeunes générations.

"Mes étudiants, ils sont une centaine, ont été traumatisés par le séisme. Je leur ai dit, vous êtes des professionnels de la santé, les habitants ont besoin de vous", ajoute-t-elle avec calme. Une salle d'accouchement a été improvisée sur le perron de sa petite maison et plusieurs centaines de blessés et de sans-abris campent dans le périmètre de la faculté. "Nous n'avons encore reçu aucune aide. Nous avons besoin de médicaments, de fournitures médicales et si possible d'un chirurgien, d'un orthopédiste et d'un pédiatre", dit-elle.

A Ça Ira, en bord de mer, un habitant encore sous le choc décrit les geysers de plusieurs mètres qui ont jailli du sol au moment du séisme. "C'était comme une espèce de lave, et la mer s'est retirée de plus de cent mètres", raconte Jackson Lochard. Il ne reste que les ruines d'un petit orphelinat face au rivage. Le sol est fissuré tout au long de la grève.

FUITE VERS LES CAMPAGNES

A Carrefour, la commune dans la banlieue de Port-au-Prince la plus proche de l'épicentre, de nombreux habitants fuient vers les campagnes avec quelques bagages rassemblés à la hâte. Les moins pauvres ont loué un véhicule et acheté quelques galons d'essence au marché noir, deux fois plus cher que dans les stations-service, encore fermées pour la plupart.

La majorité part à pied. "Certains vont marcher deux ou trois jours. Ils ne veulent plus rester à la capitale, ils disent que c'est une ville qui les enterre vivants et que les maisons encore debout sont hantées", raconte Amos Charles, un journaliste de la radio des Nations unies.

Quelques policiers armés de fusils patrouillent dans ce quartier qui était naguère un repaire de "chimères", les bandes armées qui terrorisaient Haïti ces dernières années. Un tap-tap (camionnette bariolée du transport public) passe. Une grande inscription "Tant d'espoir, tant de vie" est peinte au-dessus du pare-brise.

L'impasse Thermo, dans le quartier de Mahotières, est envahie par une forte odeur de cadavres en putréfaction. "Une famille entière d'Américains originaires d'Haïti est morte ensevelie dans cette maison, montre Jackson Pierre. C'étaient des parents établis dans le Maryland. Ils sont arrivés dimanche 10 janvier pour l'enterrement de notre grand-père, prévu pour le 12, le jour du tremblement de terre", ajoute-t-il.

Il ne reste rien de la maison d'Amos Charles. Malgré la forte odeur de cadavre, il monte sur le tas de décombres, à la recherche d'effets personnels, de photos et de papiers. "J'ai perdu mon permis de conduire et la plupart de mes documents, heureusement j'avais mon passeport sur moi, avec mon visa américain et j'ai survécu à l'effondrement de l'immeuble de la Minustah, raconte-t-il. Je me prépare à laisser le pays pour les Etats-Unis où ma femme doit accoucher prochainement. Je n'ai pas le courage de reconstruire une maison ici", soupire-t-il.

Jean-Michel Caroit

Article paru dans l'édition du 19.01.10

 

"Que nous reste-t-il d'autre que la foi ? Douter reviendrait à nous effondrer d'un coup"

LE MONDE | 18.01.10 | 14h33  •  Mis à jour le 18.01.10 | 17h17

Port-au-Prince Envoyée spéciale

C'est jour de messe à Port-au-Prince. Mais les cloches de la basilique Notre-Dame ne sonnent plus. Elle n'est plus que gravats. Comme si une bombe avait été larguée du ciel. Comme si le diable, dit la vieille Cécilia, paroissienne de longue date, s'était acharné à la détruire. "Il a réussi en partie, le vicieux ! Les pierres ont enseveli l'intégralité de la chorale Sainte-Cécile qui était en train de répéter. Ils chantaient, tous, si sincères, si vibrants, quand la terre a tremblé ! Et ils sont encore là. Dans le chaos, sous les poutres et la poussière. Personne n'est venu les déterrer. "

Seule, une grande croix blanche, à l'extrémité de l'édifice, a échappé au massacre. Elle se dresse, triomphante, et Cécila y voit plus qu'un hasard : "Le message du Christ rédempteur ! Il nous aime ! Il continue de protéger Haïti !"

Sur de nombreuses radios, ce matin, les prédicateurs l'ont affirmé. "Les bontés de l'Eternel ne sont pas épuisées." Mais enfin, ce séisme, ces victimes ? "Son mystère est immense mais sa sagesse infinie", répond une paroissienne, collerette immaculée et capeline assortie. Elle n'a pu se résoudre à se rendre dans une autre église, préférant prier devant celle qui la vit baptiser, confirmer et marier et qui est devenue tombe. "Que nous reste-t-il d'autre que la foi ? Douter reviendrait à nous effondrer d'un coup."

"Affronter cette vision"

C'est jour de messe à Port-au-Prince, et la jeune Alexandra Saint-Pierre ne peut s'empêcher de revenir sur les lieux de Radio Télé Soleil, détruite par le séisme, et où elle travaillait, en face de l'archevêché en ruines. "Je dois affronter cette vision, je dois faire face à mes démons." Depuis quatre jours, elle n'a pas fermé l'oeil. "Vingt répliques le premier jour, deux autres samedis. Et l'idée insupportable qu'on n'a pas pu sauver Mgr Benoît, coincé sous les décombres, et qui nous a parlé plusieurs heures par téléphone portable, avant de s'épuiser, peut-être de s'asphyxier." Colère ? Elle se récrie. "D'ailleurs contre qui ? On est dépassé par l'événement."

C'est jour de messe à Port-au-Prince, et sur l'immense champ de Mars, la foule des réfugiés ne fait que croître, miséreuse. Telle une immense cour des miracles. Des milliers de familles s'y entassent, dépouillées, presque hagardes. La plupart n'ont plus de toit et ne savent pas où reprendre le cours de leur vie. Cuisiner, faire la lessive, calmer les gosses, tendre une bâche pour la nuit. Prier, aussi, comme l'exige Sylvestre de toute sa famille. "C'est l'occasion d'une renaissance pour Haïti, mon pays d'amour. Nous devons être meilleurs !"

Les odeurs de friture, de vaisselle, d'excréments, de transpirations se superposent. Beaucoup portent un masque. Une jeune fille hurle lorsqu'un médecin cubain tente, dans un petit dispensaire à ciel ouvert, de soigner sa plaie ouverte dans le dos. Et son cri disparaît dans un vacarme de radio, de haut-parleurs, de rumeurs et de cris d'enfants.

"Médecine de guerre"

Un gros 4 × 4 freine à notre hauteur. Une vitre fumée s'abaisse. "Sauveteurs américains. Vous n'auriez pas entendu parler de vivants encore dans des décombres ?" Non. La vitre remonte. Mais un Haïtien tout proche nous signale l'adresse d'un supermarché de plusieurs étages sous lequel des personnes seraient, dit-on, en vie. On fait signe au véhicule. La vitre s'ouvre à nouveau. Mais l'Américain n'en a cure : "Ce n'est pas dans mon secteur" et il redémarre.

C'est jour de messe à Port-au-Prince, et l'équipe du SAMU, menée par le docteur Gérald Egman, a déjà pratiqué six amputations depuis ce matin. Le parking de l'hôpital du Sacré-Coeur est rempli de blessés et les médecins courent d'un malade à l'autre. Mais l'établissement revit, avec trois salles d'opération rouvertes depuis deux jours et une collaboration étroite avec des praticiens haïtiens. "C'est un peu une situation de médecine de guerre, dit le docteur. On doit trier les malades, trancher dans les urgences, mais chacun est soigné." Peu de cris, peu de plaintes. Beaucoup d'endurance et de dignité.

Dans le plus grand dépouillement et des paysages d'après-guerre - "Je ne peux m'empêcher de penser à Dresde", déclarait dimanche un colonel français de la Sécurité civile -, les Haïtiens pansent doucement leurs plaies. Sans trop attendre de l'aide internationale. Près de la cathédrale, un aveugle improvise à la guitare, d'une voix profonde et triste : "Pays cassé, pays fêlé. Mon père mourir, ma mère mourir. Pays qui tremble, pays si tendre. Si dur et si amer, pays qui saigne." Sans dire un mot, comme pétrifiés, des passants se sont pris la main.

Annick Cojean

Article paru dans l'édition du 19.01.10

 

18 janvier 2010

L’UE et Paris se mobilisent financièrement pour Haïti

La France a décidé d’attribuer 20 millions d’euros à l’ONU pour répondre à sa demande d’aide d’urgence en faveur d’Haïti, a annoncé lundi Matignon dans un communiqué, dont “dix millions en réponse à l’appel des Nations unies et deux millions d’aide alimentaire d’urgence”. Sont pris en compte dans ce total les “moyens humains et matériels mis en place par les ministères concernés” mais pas les moyens militaires engagés dans les opérations de sauvetage. L’engagement français en personnel de secours, d’aide à la population haïtienne et aux ressortissants français sera porté à 650 personnes dans les prochaines heures avec l’arrivée de nouveaux avions affrétés par l’Etat, précise Matignon.

L’appel lancé par l’ONU vise à récolter 562 millions de dollars. Plusieurs pays ou organisations ont déjà répondu à cet appel, notamment :

  • les Etats-Unis (100 millions de dollars) ;
  • l’Australie (8,99 millions de dollars) ;
  • le Brésil (15,5 millions de dollars) ;
  • le Canada (53,66 millions de dollars) ;
  • la Chine (5,4 millions de dollars) ;
  • le Danemark (7,4 millions de dollars) ;
  • Londres a fait état lundi du triplement de son aide d’urgence à 20 millions de livres (22,6 millions d’euros).

Voir le tableau récapitulatif de l’aide accordée par chaque pays.

L’Union européenne s’est engagée à hauteur de 430 millions d’euros pour l’aide humanitaire d’urgence et la reconstruction d’Haïti, a annoncé lundi la présidence espagnole de l’UE et la haute représentante pour les affaires étrangères. Cette aide financière consistera en 92 millions d’euros mis à disposition par les Vingt-Sept pour l’aide à court terme, auxquels s’ajouteront 30 millions d’euros débloqués par la Commission européenne. Cette dernière a par ailleurs annoncé qu’elle fournirait 107 millions d’euros pour la réhabilitation du pays et que 200 millions d’euros supplémentaires seraient consacrés à la reconstruction à moyen et long termes. L’UE réfléchit par ailleurs à l’envoi d’une mission de police afin d’assurer une meilleure distribution des vivres et médicaments. Les ministres européens de l’aide au développement ont été convoqués à une réunion présidée par la chef de la diplomatie de l’UE, Catherine Ashton. “Cette tragédie va exiger de nous tous d’apporter un effort significatif pour soutenir ce pays”, a déclaré à son arrivée Mme Ashton, en parlant de besoins “énormes”.

Des entreprises suisses ont annoncé lundi qu’elles avaient débloqué environ 3,8 millions de francs suisses (2,6 millions d’euros) d’aide en faveur des personnes touchées par le séisme. Le groupe pharmaceutique suisse Novartis va offrir plus de 2,5 millions de dollars d’aide aux victimes, sous forme financière au profit d’organisations humanitaires et sous forme de médicaments tels que des antibiotiques et des analgésiques. L’assureur suisse Zurich Financial Services va quant à lui mettre à disposition, via sa fondation, quelque 250 000 francs suisses collectés par ses salariés, tandis que le distributeur Migros a fait un don d’un million de francs suisses.

LeMonde.fr avec AFP et Reuters

 

Comment gérer la crise humanitaire en Haïti ?

LEMONDE.FR | 18.01.10 | 12h47  •  Mis à jour le 18.01.10 | 17h29

Le cofondateur et ancien président de Médecins sans frontières, Rony Brauman, a répondu aux questions des internautes du Monde.fr à l'occasion d'un chat sur la gestion de la crise humanitaire en Haïti.

 

Emilie humanitaire : Pourriez-vous expliquer pourquoi il y a tant de problèmes concernant la coordination de l'aide humanitaire à Haïti ?

Rony Brauman : Il y a toujours des difficultés de coordination dans une situation aiguë comme celle-ci. Les premiers jours, voire les deux premières semaines, se déroulent toujours sous le signe d'une certaine pagaille. Dans le cas présent se surajoute le fait que c'est la capitale elle-même qui a été frappée par une catastrophe d'une intensité qui se situe tout en haut de l'échelle. Une partie du gouvernement est elle-même atteinte, l'électricité est en panne, les télécommunications également, la plupart des infrastructures de la capitale ont été touchées. Cela explique que le désordre est plus grand encore qu'ailleurs.

Guest : On dirait que les secours s'organisent entre grandes puissances sans compter sur la main-d'œuvre locale… Est-ce une fausse impression ?

Rony Brauman : Ce n'est une fausse impression qu'à demi. Les secours étaient immédiatement organisés par la population locale elle-même, avant l'arrivée de l'aide internationale. Par exemple, les centaines, peut-être les milliers de personnes qui ont été désincarcérées, ont été sauvées par leurs voisins. C'était un secours très important.

Par ailleurs, les équipes de secours qui se trouvaient déjà à Haïti travaillaient avec une majorité d'employés locaux. Donc les Haïtiens sont massivement mêlés à la mise en œuvre et à l'augmentation des secours. Mais les images ne rendent pas compte de cette réalité, parce que la tentation est de montrer les étrangers, blancs, au travail, et les autres, les locaux, en attente. Mais c'est une vue trompeuse.

Valérie : Les scénarios de secours partent du principe de la présence d'autorités locales qui fonctionnent. Or cela n'est pas le cas en Haïti. Comment l'aide peut-elle s'organiser dans ce cas ?

Rony Brauman : Dans un premier temps, l'aide fonctionne selon le rythme de déploiement des organismes eux-mêmes. Cela se passe dans l'improvisation et la coordination au jour le jour, en fonction de ce que font d'autres intervenants. Il est vrai que, pendant les premiers jours, le gouvernement haïtien s'est trouvé totalement paralysé et débordé pour des raisons bien compréhensibles. Cela ne va pas durer, et on voit déjà les premiers signes de retour de l'Etat, qu'il nous faut encourager, par exemple en ne cherchant pas à se substituer à ses prérogatives.

William : Comment expliquer que des avions contenant du "vrai" matériel d'urgence, tel l'hôpital gonflable de MSF, ne puissent pas atterrir à Port-au-Prince et soient déroutés ?

Rony Brauman : C'est l'armée américaine qui a empêché l'atterrissage de l'avion, qui a donc dû se détourner vers Saint-Domingue, et de là, rejoindre Haïti. Mais c'est une faute de l'armée américaine, et d'ailleurs nous avons protesté auprès du gouvernement américain sur ce point.

La seule voie réellement efficace pour acheminer l'aide est la voie maritime. La voie aérienne est très utile pour l'urgence immédiate, mais elle est dangereuse, très vite encombrée, et très coûteuse. Elle est notamment dangereuse car dans un environnement pareil, avoir de très nombreuses rotations d'avions, c'est augmenter les risques d'accident. C'est pourquoi, parmi les priorités, doit figurer la remise en état des installations portuaires.

Carole : Pensez-vous que l'arrivée massive des Etats-Unis puisse à terme déboucher sur une nouvelle occupation militaire d'Haïti ?

Rony Brauman : Non, je ne le crois pas. Pour l'instant, il faut avoir à l'esprit que si les Américains n'avaient pas remis l'aéroport en état de fonctionnement, celui-ci serait quasi inutilisable. En dépit du caractère un peu agressif de cette installation américaine, il faut donc reconnaître qu'elle a joué un rôle positif. Et rien n'indique, à ce jour en tout cas, que les Etats-Unis aient une quelconque intention de réoccupation d'Haïti. A ma connaissance, il n'y a aucun précédent de ce type. Les pays qui apportent des secours se retirent une fois le gros de la catastrophe passé.

Arihob : L'aide et les efforts apportés par les Américains sont-ils dans la lignée de la "théorie de la chasse gardée" évoquée par Théodore Roosevelt ?

Rony Brauman : C'est plutôt à un analyste de la politique américaine que cette question devrait être posée. Je me contenterai de souligner qu'en tant que première puissance mondiale, les Etats-Unis interviennent systématiquement dans ce genre de situation, mais qu'en l'occurrence, ils sont aussi la puissance régionale, puisque Haïti est leur voisin. Pas seulement voisin de la Floride, mais plus encore, de Porto-Rico, et c'est donc également à ce titre que les Etats-Unis se manifestent avec cette ampleur.

Cerrumios : Comment expliquez-vous qu'il soit plus facile aux Etats-Unis d'envoyer de l'aide à Haïti, dans un délai très court, que lors de la catastrophe Katrina à la Nouvelle-Orléans ?

Rony Brauman : Cela demanderait un examen dans le détail. Mais cette question renvoie principalement à un problème de perception. Le niveau des secours attendus à la Nouvelle-Orléans était très élevé, et ce sont les insuffisances de ces secours qui ont été dénoncées. Mais il faut avoir à l'esprit que le gouvernement américain avait déployé des moyens importants.

L'intervention à Haïti, elle, est perçue comme positive dès lors qu'elle existe, et on voit bien que, presque une semaine après la catastrophe, seule une minorité de victimes a reçu de l'aide, alors que c'était le contraire à la Nouvelle-Orléans. La majorité avait reçu de l'aide, mais une importante minorité était soit délaissée, soit en voie d'être atteinte. Mais il est important pour comprendre d'avoir à l'esprit que les attentes des citoyens américains par rapport à leur gouvernement sont infiniment plus élevées que les attentes des Haïtiens par rapport aux gouvernements étrangers.

Laruine : Que pensez-vous de l'efficacité des largages de nourriture par hélicoptère qu'effectue l'armée américaine ?

Rony Brauman : Je suis totalement opposé à ce type de distribution, pas seulement parce qu'il est humiliant, mais aussi parce qu'il est cause de violences presque inévitables, ne serait-ce qu'en raison de la très faible quantité qui est distribuée de cette façon. Les hélicoptères sont très utiles pour atteindre des régions lointaines et isolées, mais ils ne devraient jamais être employés dans des circonstances telles que celles que nous connaissons à Port-au-Prince.

Le Lorrain : Peut-on espérer qu'un jour une réelle coordination des secours soit mise en place ? Tous les pays ont des savoir-faire différents. N'est-il pas possible de les lister et en fonction des évènements, de répartir les interventions ?

Rony Brauman : On peut améliorer l'organisation initiale des secours. Par exemple, un état-major européen – on en avait parlé au moment du tsunami – pourrait être utile pour coordonner les aides européennes. Et cela améliorerait déjà notablement la mise en place de l'aide européenne.

Mais il faut comprendre que l'aide provient de très nombreux pays, du monde entier, et que les dégâts et besoins causés par une catastrophe varient d'une situation à l'autre. Il faut donc d'abord évaluer ces besoins, et faire un état des lieux de la réponse internationale pour mettre en place une coordination efficace, c'est-à-dire qui mette ensemble les intervenants sur le terrain.

J'ajoute que c'est aux autorités locales, pour l'essentiel, d'assurer cette coordination, et que les organismes extérieurs sont là pour épauler les autorités locales, mais ne doivent pas s'y substituer, y compris en matière de coordination.

Leoblue : Pensez-vous qu'un protocole d'intervention international, du type plan rouge en France, devrait être pensé en amont de ce type de catastrophe ?

Rony Brauman : C'est souhaitable, mais je ne crois pas que ce soit aujourd'hui possible. Car un plan de ce type, un plan Orsec si l'on veut, suppose une autorité politique et administrative clairement identifiée. Il n'y a pas, dans l'espace international, d'autorité de ce type, et je ne vois pas dans l'avenir immédiat une telle possibilité. Voilà pourquoi je crois que, même si l'on peut souhaiter un tel dispositif, il ne faut pas trop compter dessus, en tout cas dans l'avenir immédiat.

Mehdi : Ne serait-il pas souhaitable que l'ONU joue le rôle de cette autorité de supervision ?

Rony Brauman : L'ONU a un rôle très important à jouer, et on voit d'ailleurs qu'elle le joue à Haïti, mais c'est une erreur de considérer l'ONU comme une sorte de gouvernement virtuel mondial. L'ONU n'en a ni l'ambition, ni surtout les moyens, c'est pourquoi je pense que son rôle est d'abord de soutenir la coordination gouvernementale, et non pas de la remplacer.

Guest : Y a-t-il un risque que l'aide internationale envers d'autres pays du tiers monde en difficulté (famine, conflit, sécheresse) soit démobilisée par cette aide massive apportée à Haiti ?

Rony Brauman : Il y a un risque, en effet, parce que les sommes disponibles pour l'aide internationale ne sont pas indéfiniment extensibles. Mais je ne suis pas capable de dire aujourd'hui si ce risque est avéré. Mais qu'il existe, cela ne fait aucun doute.

Mehdi : Est-il encore utile de faire des dons pour Haïti à l'heure actuelle ?

Rony Brauman : C'est la question que je me pose aussi, pour être franc. Et je n'ai pas de réponse claire et définitive à apporter. Mais il est certain que nous allons atteindre un moment où les besoins financiers pour l'aide d'urgence vont être couverts. Je ne sais pas si nous l'avons déjà atteint, ou si cela va se passer dans quelques jours, mais je trouve votre question tout à fait pertinente, et chaque institution qui collecte de l'argent doit se la poser.

En ce qui concerne Médecins sans frontières, les dirigeants demandent que les donateurs veuillent bien faire des dons pour l'urgence en général, désormais, et non pas pour l'urgence de Haïti en particulier, car elle est en train d'atteindre le niveau de financement qui lui permet de couvrir l'ensemble des besoins auxquels elle répond.

Colargol : Pourquoi avez-vous réagi si violemment au sujet du partenariat entre les médias publics [et Le Monde] et la Fondation de France ?

Rony Brauman : J'ai réagi parce que j'estime que le service public n'a pas à mettre ses moyens au service d'une institution particulière, quelle qu'elle soit. Et je pense de plus qu'un organe d'information doit nous informer, et non pas nous mobiliser. J'attends du Monde, comme de tout organe d'information, un récit loyal et le plus précis possible de la situation, et non pas des appels à ma conscience. J'ajoute que, pour la bonne marche des secours, une information crédible, et donc non orientée vers un autre objectif que celui-ci, est extrêmement importante. C'est pourquoi je pense qu'il faut éviter tout conflit d'intérêt dans ce domaine. Je maintiens donc cette protestation, et je pense qu'il faudra demander à France Télévisions de s'en expliquer. Mais aujourd'hui, l'heure est au sauvetage, et pas à la polémique.

Mehdi : Une partie de l'argent des dons ne devrait-il pas servir à employer des locaux (pour le sauvetage, la sécurité de la distribution de vivres, etc.) ?

Rony Brauman : Si, bien sûr, mais c'est déjà le cas. Il faut savoir qu'à peu près 90 % d'une équipe de secours internationale est composée de ressortissants locaux. Et c'est vrai à Haïti aussi bien qu'au Darfour ou dans d'autres circonstances.

Cerrumios : Comment voyez-vous l'avenir d'Haïti ces prochains mois ?

Rony Brauman : Il n'y aucun doute sur le fait que les difficultés vont être grandes ces prochains mois, car il faut des années et des années pour se relever d'une telle catastrophe. Les traces du désastre seront encore partout ; la quasi-totalité des familles sont déjà endeuillées. Il faut donc s'attend

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